Enfin, nous avons écouté le témoignage d’Adrien, élu CSE et syndiqué au Printemps Écologique.
Adrien : Une fois arrivé dans mon entreprise, il y a 10 ans, je ne me suis pas tout de suite intéressé au CSE. Il y avait environ 50-60 salariés, on venait tout juste d’en avoir un. Puis il y a 4 ans, à la suite du changement de mandat, je me suis motivé pour représenter les salariés. Ce qui m’attirait était d’abord la proximité avec la direction et le regard extérieur plus détaché qu’on peut porter sur l’entreprise. Même dans une petite entreprise, ça peut paraître bête, mais tout le monde ne discute pas facilement avec la direction. Être au CSE permet d’avoir un regard stratégique, on comprend mieux comment l’entreprise fonctionne, comment et pourquoi tels choix directionnels sont faits. J’avais une curiosité aussi sur le côté comptable et juridique. Ce sont des notions très intéressantes pour comprendre le rôle de son propre travail. Aussi, dans mon entreprise, il y a une très bonne entente entre les salariés et avec la direction. Je suis donc attaché à mon entreprise et c’est en ce sens que j’avais envie de participer à mon échelle.
Puis mon deuxième mandat a commencé en 2020 : c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à l’écologie. Et c’est là aussi que je me suis rallié au Printemps Écologique, je n’étais pas syndiqué auparavant. A ce moment, on était environ 200 salariés, et sans syndicat. N’ayant pas de syndicat représentatif, il n’y avait pas de 1er tour aux élections. On a préparé une liste avec d’autres salariés pour le « 2ème tour ».
Pendant la campagne, on a organisé un brainstorming ouvert à tous sur le temps de la pause déjeuner, pour échanger autour de ce que les salariés pouvaient attendre de l’écologie au travail, et de ce que nous nous pouvions faire au niveau environnemental en tant que représentants du personnel. Une vingtaine de personnes étaient présentes, soit 10% des effectifs. Quelques idées ont émergées : remplacer les gobelets en plastique par des tasses, les ampoules par des LEDs, on a parlé de télétravail, des placements épargne etc.
A la fin de notre mandat, on a négocié un accord de fonctionnement avec la direction, dans lequel on avait indiqué de créer une commission écologie. Il allait s’appliquer aussi au prochain mandat. Cela signifie qu’aujourd’hui, certains élus au sein du CSE ne travaillent que sur ce sujet. Et dans les réunions globales, on est obligé d’avoir un vrai temps pour l’écologie. Ça a vraiment permis d’instituer la question de l’écologie au CSE. N’importe quel CSE peut demander de négocier un nouvel accord de fonctionnement avec la direction. La nôtre était un peu intriguée mais a bien accueilli cette idée. Ils ne savaient pas ce que ça pouvait apporter, pourtant ça a été validé sans trop de problème.
Au CSE, le nombre de titulaires et de suppléants est donné. En revanche, quand on fait une commission, on s’organise comme on veut en interne en termes de places. Nous on avait fait en sorte qu’elle soit aussi ouverte aux salariés non-élus. Donc nous sommes 11 élus et on a l’aide de 3 autres salariés qui participent à la commission écologie en plus de leur temps de travail.
Agnès : Qu’est ce que ton rôle d’élu t’apporte ? Quel impact ça a sur ta vie professionnelle ?
Adrien : J’ai appris et je continue à apprendre tous les jours beaucoup de choses : le fond juridique, comptable, comprendre les besoins de tous les salariés. C’est très axé sur l’humain.
L’organisation du temps de travail est plus compliquée. Nous avons des heures de délégation pour travailler pour le CSE. Et il faut réussir à les effectuer même s’il y a les urgences du travail à gérer en parallèle.
Agnès : Et qu’avez-vous mis en place pour l’écologie avec ton CSE ?
Adrien : On a beaucoup de projets. Les premières actions qu’on a fait, c’était surtout de la sensibilisation. On a commencé par des Fresques du climat. Notamment une fresque spécialement pour les élus, contextualisée sur les actions spécifiques du CSE : un atelier sur mesure auquel on avait pu convier la direction. On a essayé de mieux comprendre la stratégie RSE de l’entreprise et proposer des Bilans Carbone. Il faut savoir que les Bilans Carbone ne sont pas obligatoires dans les entreprises de moins de 500 salariés. Nous étions en dessous du seuil. On a proposé à la direction, qui n’était pas contre dans l’idée, mais qui disait que ça prenait du temps et que c’était cher. On a donc pris en main cette initiative et la direction l’a financé de moitié. Concrêtement, on s’est fait accompagné par un prestataire de service, qui nous a fournit un outil, et on a eu 2-3 ateliers de formation. Maintenant, on est capable de réaliser un bilan carbone pour l’entreprise chaque année. On a des sujets aussi sur le plan de la mobilité durable. On a mis en place une bibliothèque partagée au sein des locaux pour éviter d’acheter des livres. On accompagne sur l’épargne salariale. Puis on aimerait faire les défis Ma Petite Planète.
On a plein d’idées, et on commence à se demander quelle est la limite de nos prérogatives, ce qu’on peut faire, pas faire. Et comment on peut avoir des leviers d’actions juridiques vis-à-vis de la démarche. Du coup on a choisi de se former sur ce plan là aux enjeux écologiques, avec le cabinet Gate 17.
Agnès : Il faut rappeler que le CSE a deux budgets, celui des avantages, bien connu des employés, mais aussi celui du fonctionnement. Celui-là sert aux élus pour financer ce qui est expertise ou formation. C’est prévu par la loi que les CSE peuvent faire appel à des services extérieurs pour se former ou pour avoir un avis.
Adrien : Exactement. Et ça nous permet d’y voir plus clair. Aussi, on peut pousser la direction a appliquer la loi : c’est-à-dire qu’entre la direction et les CSE, il y a une grosse base de données qui s’appelle la BDESE (Base de Données Economiques, Sociales et Environnementales) qui regroupe tous types d’indicateurs et qui ne sont pas publics. Il y a des données précises sur les salaires par exemple. Avec la Loi Climat et Résilience, elle a été enrichie pour récupérer des indicateurs sur l’ecologie (le recyclage, la pollution etc). Nous, on ne l’a pas encore mise à jour et on va essayer de discuter, négocier avec la direction pour mettre en place des indicateurs vraiment intéressants, et éviter le greenwashing.