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Faut-il être pour ou contre les goodies ?

Le goodie s’est profondément enraciné dans la culture d’entreprise mais se trouve désormais logiquement confronté à une prise de conscience de plus en plus généralisée qui tend à rejeter le gaspillage et la surconsommation. Est-il possible de proposer des cadeaux publicitaires à impact environnemental positif ? Ou est-ce que ces deux notions sont tout bonnement inconciliables ? Une fois de plus, Représente.org met les pieds dans le plat pour aborder un débat plus complexe qu’il n’y paraît.

 

Pourquoi offre-t-on des goodies ?

Nous en posséderions tous en moyenne une douzaine. Il existe toutes sortes de cadeaux publicitaires, communément appelés goodies, siglés aux couleurs d’entreprises ou d’autres types d’organismes. Il s’agit parfois d’objets du quotidien, parfois de présents plus originaux, plus ou moins utiles suivant les cas. Dans l’imaginaire collectif, ils sont majoritairement associés à une qualité de fabrication médiocre.

Pour les entreprises, les cadeaux publicitaires constituent d’abord un outil de marketing. En France, l’objet publicitaire représenterait 4 à 5 % du marché de la publicité, soit environ un milliard d’euros. Sur ce marché opèrent donc de nombreux prestataires (plusieurs dizaines de milliers de références), soucieux de mettre en avant les mérites de leurs produits en tant que supports de communication.

Déjà, parce qu’il est un cadeau que l’on offre, le goodie est censé associer la marque qu’il porte à une expérience positive pour celui qui le reçoit. L’objet corporate a aussi vocation à renforcer le sentiment d’appartenance en valorisant le fait de s’identifier à l’entreprise. Mais le principal atout supposé du cadeau publicitaire comme outil de communication, c’est bien le fait qu’il est censé être conservé, en étant arboré, montré tant qu’il est utilisé, ce qui permet de se rappeler au bon souvenir de son possesseur, et potentiellement des personnes qu’il côtoie.

Selon une étude CSA menée en 2017 pour la Fédération française des professionnels de la communication par l’objet (2FPCO), 67 % des personnes interrogées déclarent conserver et utiliser les goodies qu’on leur offre ; 18 % déclarent les conserver mais les oublier ; 10% les donneraient à des proches et 5 % les jetteraient directement. La durée de possession varie beaucoup d’un objet à l’autre. Il n’est pas rare qu’elle dépasse les 5 ans pour la vaisselle et les articles de bagagerie, mais excède rarement une année pour les outils d’écriture et la papeterie. 

Le ressenti global lié aux goodies appelle des résultats contrastés. Si 82 % des sondés trouvent ce rituel agréable, une majorité considère les goodies comme peu durables et de mauvaise qualité (55 et 57 % respectivement).

Les goodies pointés du doigt

Si la même étude CSA indique que chez les plus de 65 ans, le ressenti lié à l’objet offert influe relativement peu sur la perception de la marque, il semble qu’il n’en aille pas de même pour les tranches d’âge plus jeunes, et ce que l’impact soit positif ou négatif. Or, toujours d’après cette enquête, 85% des salariés français porteraient une attention particulière à la dimension écologique des objets publicitaires. Le chiffre passe à 87% pour les aspects éthiques et les conditions de travail liées à leur fabrication. 

De fait, s’ils ne prennent pas en compte ces attentes, les goodies semblent devoir rapidement devenir très contre-productifs pour les entreprises soucieuses d’associer leur marque à un ressenti positif. Ayant pris leur essor au tournant des années 1990, les cadeaux publicitaires ont massivement suivi la tendance allant vers une réduction systématique des coûts : délocalisation de la production en Asie, gros volumes d’objets standardisés, matériaux bon marché et qualité de fabrication minimale, le tout dans des conditions de travail peu reluisantes. 

Face à l’émergence d’un discours renouvelant le rapport à la consommation (critique du gaspillage, des atteintes portées à l’environnement, valorisation de la juste rémunération du travail), l’image des goodies s’est progressivement dégradée. Les acteurs du secteur se sont adaptés à cette nouvelle donne et ont enrichi leur offre pour proposer des objets répondant mieux à ces considérations : gourdes, sacs en tissu (tote bags) et vaisselle réutilisable en sont devenus les objets emblématiques, ce qui ne va pas sans poser de nouvelles questions.

Les goodies peuvent-ils être responsables ?

Offrir, par exemple, aux salariés des objets réutilisables comme substitut à des objets jetables semble assez inattaquable. Et dans le principe, ça l’est. Personne n’ira défendre la cause perdue du gobelet ou du sac en plastique. Mais comme toujours, le diable se cache dans les détails. 

Pour qu’un objet réutilisable soit “rentable” pour la planète, deux questions se posent. D’abord, quelle quantité de ressources sont nécessaires pour le fabriquer, le distribuer, l’utiliser, et enfin l’éliminer ou le recycler une fois arrivé en fin de vie ? Ensuite, combien de temps et à quelle fréquence vais-je m’en servir ? Plus l’objet réutilisable consomme des ressources au cours de son cycle de vie, plus il faudra l’utiliser longtemps avant qu’il ne redevienne “rentable” par rapport à l’objet jetable. Et réciproquement, plus on l’utilisera longtemps et fréquemment, plus on maximisera sa “rentabilité” environnementale en évitant de consommer un grand nombre d’objets jetables. 

Par exemple, pour un sac réutilisable en coton, l’agence danoise de protection de l’environnement estime dans une étude de 2018 qu’une cinquantaine d’utilisations sont nécessaires pour obtenir un meilleur bilan carbone qu’avec des sacs en plastique jetables. Mais il faut également tenir compte des autres impacts environnementaux liés notamment à la consommation d’eau et à l’utilisation de pesticides (et dont l’évaluation est beaucoup plus controversée).

“Ces objets-là ne sont pas des faux-amis selon moi […] Il y a cependant des points de vigilance à avoir : il ne faut pas qu’ils deviennent des objets qu’on accumule sous l’effet d’une mode. Il faut les utiliser sur le long terme.”

Marine Foulon, chargée de communication pour Zero Waste France

Moralité : mieux vaut éviter de se faire offrir plusieurs fois le même objet réutilisable. Et quitte à en proposer un, autant viser la qualité pour privilégier les matériaux et les process qui génèrent le moins d’impact, par exemple un sac en lin bio qui consommera moins d’eau et d’intrants qu’un sac en coton standard.

Repenser sa politique de cadeaux publicitaires : quelques conseils pratiques

La façon la plus simple de réduire l’impact des goodies est bien sûr de ne pas en offrir du tout. Un choix qui peut sembler radical, et qui peut bousculer certaines idées établies, mais qu’il ne faut pas exclure d’emblée. 

Pour renforcer l’esprit collectif dans l’entreprise, donner la priorité aux événements d’entreprise (les plus éco-conçus possible bien-sûr) peut être une option efficace. Si l’on priorise l’accès à la culture, reste l’option bien connue d’offrir des places groupées pour des spectacles. Et si l’on souhaite montrer le logo dans la rue, on peut envisager organiser des activités d’équipe en extérieur autour de thématiques liées à la solidarité ou à l’environnement comme des Work Cleanup Days par exemple. 

Le cadeau immatériel peut également prendre la forme d’un soutien à une association, ou d’initiatives de finance citoyenne pour accompagner des projets locaux à impact positif. C’est l’occasion pour les salariés de se retrouver autour d’initiatives collectives, et pour l’entreprise d’établir des contacts avec l’extérieur d’une manière plus suivie. 

Qu’il soit siglé ou non, le fait qu’un cadeau fasse plaisir au salarié demeure d’objet premier de la démarche. Un bel objet fera parler. Il peut donc être judicieux de miser en premier lieu sur la qualité et sur le bouche à oreille. Un cadeau non siglé vous ouvrira plus de possibilités en termes de sourçage, mais aussi y compris celle de laisser le choix au bénéficiaire, en lui remettant par exemple un bon valable auprès d’enseignes éthiques et solidaires, à l’instar des chèques Éthi’Kdo. Donner le choix reste la meilleure manière de s’assurer que l’objet sera bel et bien utilisé. 

Si vous choisissez pour vos collègues, préférez des objets consommables. Cela limite de facto le gaspillage à défaut de prévenir la surconsommation. Afin de limiter cette dernière, privilégiez des produits qui viendront aisément se substituer à des consommations du quotidien (produits d’hygiène bio, de préférence sous forme solide) ou à des objets que l’on renouvelle régulièrement (chaussettes et petit linge en lin fabriqué en France par exemple). Bien sûr, il n’est pas défendu de faire plaisir avec quelques extras pour certaines occasions, par exemple des produits cosmétiques bien sourcés (labellisés Slow Cosmétique de préférence) ou encore des confiseries artisanales et des produits d’épicerie fine (bocaux et conserves, éventuellement personnalisés).

Et si vous voulez quand même offrir des objets réutilisables, évitez de les imposer. Mieux vaut procéder à un rapide sondage, ou en tout cas prévoir plusieurs choix, afin de limiter le risque de laisser vos collègues avec une accumulation de doublons. Bannissez l’électronique à l’empreinte carbone prohibitive. Pensez également à vous fournir en produits d’occasion auprès de ressourceries comme Emmaüs. Et si vous souhaitez apposer votre logo sur des objets comme des vêtements, vous pouvez envisager de les upcycler avec des patchs. Cela pourra être l’occasion d’organiser un atelier ludique entre collègues.

“Il y a un enjeu écologique derrière le zéro déchet […] et c’est là ou savoir décrypter les pièges, questionner les usages et les besoins en certains objets ou services, va faire la différence”

Marine Foulon, chargée de communication pour Zero Waste France

Offrir des cadeaux à vos collègues peut être l’occasion d’avoir un impact positif en soutenant les initiatives qui développent des solutions alternatives pérennes, et en donnant envie au plus grand nombre d’adopter de nouveaux réflexes au quotidien. Poser la question des usages, réfléchir à l’impact global des objets que l’on offre, envisager des voies alternatives est cependant nécessaire afin de ne pas se contenter de faire bonne figure à court terme, avant d’être pris la main dans le pot de peinture verte tôt ou tard. La tâche n’est certes pas simple, mais l’enjeu en vaut la chandelle (aux huiles essentielles bio et faite maison, bien sûr) !

Et pour aller encore plus loin, vous pouvez lire notre article sur le greenwashing à l’attention des CSE.

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