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Des colis réutilisables ! Notre entretien avec Antonin d'Opopop

Si vous avez consulté notre article sur les impacts environnementaux des livraisons, vous aurez remarqué qu’aujourd’hui, en matière de e-commerce, on creuse beaucoup moins la question des déchets que celle du transport. Pourtant, avec plus d’un milliard de colis livrés chaque année en France, on imagine à quelle échelle des efforts d’éco-conception pourraient changer la donne. En 2020, les deux jeunes pousses que sont Opopop et Hipli ont lancé des services de colis réutilisables. Nous avons rencontré Antonin Grêlé, co-fondateur d’Opopop, pour comprendre comment fonctionne sa solution et quels sont ses atouts pour réduire l’empreinte de nos achats en ligne.

D’abord Antonin, parle-nous de votre équipe. Vous êtes combien ?

Chez Opopop nous sommes sept, dont deux associés, Charlotte et moi, les co-fondateurs. On a commencé à travailler sur le projet ensemble en 2019, et on a lancé le service en 2020, juste après le premier confinement. 

Est-ce que vous avez des statuts particuliers qui s’inspirent de l’entrepreneuriat social et solidaire ? Est-ce que vous vous êtes constitués en coopérative ? 

On est partis sur une SAS [société par actions simplifiée] toute simple. En revanche on a fait des statuts qui sont compatibles avec l’agrément ESUS [“Entreprise solidaire d’utilité sociale”]. C’est un agrément qu’on aimerait obtenir cette année.

Est-ce que tu peux nous présenter rapidement votre concept ? 

Eh bien Opopop, c’est un service d’emballages réutilisables pour le e-commerce. Il s’adresse aux e-commerçants et aux acheteurs e-commerce qui veulent réduire leur impact environnemental et leurs déchets. Le e-commerçant va proposer un emballage réutilisable Opopop quand on achète sur son site. Ensuite, l’acheteur va renseigner une consigne pour s’engager à renvoyer son emballage. Pour le renvoyer, il faut juste le déposer dans n’importe quelle boite jaune de la Poste. Il est pré-affranchi. Quand il revient chez Opopop, on libère la consigne qui a été renseignée par l’acheteur, on le remercie et on remet l’emballage au travail chez un autre e-commerçant. Ce sont des emballages qui sont fabriqués en France dans des ateliers qui font de l’insertion sociale. Et ils sont fabriqués en matière upcyclée. On utilise des fins de rouleaux de l’industrie textile.

En quelle matière sont fabriquées vos enveloppes au juste ?

C’est du tissu technique. C’est typiquement le genre de tissu que tu aurais pour un imperméable. Ce qui nous intéresse avec ce type de matériau c’est que c’est léger, c’est résistant et c’est déperlant.

Donc si je comprends bien, vous utilisez des surplus de matières premières dont l’industrie textile ne sait pas trop quoi faire. C’est bien ça ? 

Quand une entreprise fabrique des vêtements, elle va commander des rouleaux de tissu pour sa matière première. Et elle prend toujours plus de rouleaux que ce dont elle a besoin, au cas où il y aurait des problèmes pendant la production, ou si elle a besoin de produire plus que prévu. En moyenne, il y a 12% de matière qui n’est pas utilisée durant la production. Et aujourd’hui, il y a une filière économique qui se structure pour collecter et utiliser ces fins de rouleaux.

Il y a environ combien de pochettes Opopop en circulation ? Est-ce que vous savez combien de fois elles ont été réutilisées en moyenne ? 

On a environ 10 000 pochettes qui ont été mises en circulation. La quasi-totalité a déjà été utilisée une fois. La plupart ont déjà été utilisées plusieurs fois. 

Sur votre site internet, vous évoquez un objectif de 100 réutilisations pour vos pochettes. Peux-tu nous expliquer cet objectif ? 

En fait, le principal risque pour nos colis c’est pas tellement d’être abîmés, c’est surtout d’être oubliés dans un tiroir, au fond d’un sac à dos, et qu’ils ne revoient jamais la lumière du jour. J’aime faire la comparaison avec la bouteille en verre. Techniquement, si on veut réutiliser sa bouteille en verre, on peut le faire autant de fois qu’on veut. Mais en pratique, on va l’utiliser une fois et on va la mettre à la poubelle. Ça illustre que l’enjeu n’est pas uniquement de fabriquer des emballages qui sont réutilisables, mais aussi de vraiment les réutiliser. Donc l’enjeu des 100 réutilisations, ça veut dire d’un côté avoir un produit qui est résistant, nettoyable et réparable, pour qu’un pépin ne lui coûte pas la vie. Mais surtout, il faut que les gens les renvoient. C’est pour ça qu’on a un système de consigne. Le fait que l’utilisateur choisisse de lui-même l’option de l’emballage réutilisable, le fait qu’il s’engage avec une consigne, le fait que le renvoi soit facile à faire : en combinant tout ça, on fait de très bons taux de retour. On a plus de 95% des emballages qui reviennent après chaque cycle. Et c’est comme ça qu’on obtient de très bons taux d’utilisation pour nos pochettes.

Est-ce que tu saurais dire à partir de combien d’utilisations vos pochettes sont plus vertueuses sur le plan environnemental qu’un emballage conventionnel ? 

On est en train de faire notre étude d’impact pour avoir des réponses précises sur ce sujet. Ça prend du temps de bien le faire et on ne veut pas se contenter de le faire en amont, sur de la théorie. On veut le faire avec de vraies données de terrain, donc après avoir eu de l’historique. D’autant que notre pochette réutilisable évolue continuellement et à chaque fois son impact environnemental s’améliore un petit peu. Donc je ne peux pas encore dire précisément à partir de combien d’utilisations notre pochette réutilisable est mieux qu’un colis classique. Ce que je peux dire, c’est qu’on part d’une matière première de seconde main, qu’on fabrique nos pochettes localement, et qu’on évite des cycles de recyclage qui consomment de l’eau, de l’énergie et de la matière première vierge. Donc au vu des premières données qui remontent de l’étude d’impact, on est assez optimistes quant au fait que c’est très rapidement viable écologiquement

Vous en parlez aussi sur votre site, mais je pense que c’est très important de revenir là-dessus. Un colis réutilisable, c’est un pli qui fait un trajet retour à vide. Qu’est-ce qui fait que ça reste une meilleure solution qu’un pli classique ?

Premièrement, il faut rappeler qu’un emballage jetable fait aussi un trajet retour. Au lieu de la boite jaune de la Poste, on va le mettre dans la poubelle jaune. Il y a quand même un camion qui va venir le chercher, et il va quand même faire son petit chemin jusqu’au centre de tri. Potentiellement, il va être redirigé vers un autre centre de traitement. Donc il y a un retour dans les deux cas. Ensuite, notre pochette réutilisable revient avec les flux massifiés de la Poste. On utilise un service qui est maîtrisé en termes d’impact. Et surtout, le transport à vide, ça représente assez peu dans l’impact global d’un emballage par rapport à sa fabrication et à sa fin de vie (recyclage, incinération, enfouissement…). Quand un emballage est vide, qu’il est léger (notre plus grande pochette pèse 90 grammes) et qu’il ne prend pas de place, l’impact pour le transporter est très faible.

Avec quels types de e-commerçants travaillez-vous principalement ? Est-ce que vos colis ont vocation à couvrir tous les types de produits ? 

Aujourd’hui on travaille uniquement avec des produits non fragiles parce que notre pochette est souple. Donc on est surtout sur la mode : vêtements, accessoires, petite cosmétique… Et ça tombe bien parce que ce sont de gros secteurs d’activité sur internet, où les clients sont de plus en plus demandeurs d’alternatives écoresponsables. Quand une marque se creuse la tête pour faire un produit écoresponsable, ça l’embête de devoir l’envoyer dans un emballage jetable. Autant aller au bout de la démarche !

Concrètement, comment ça se passe si je veux me faire livrer avec un colis réutilisable Opopop ? 

Toi, tu vas trouver une marque qui propose le service [voir la liste des marques partenaires]. Tu vas aller sur son site et choisir le produit que tu veux acheter. Tu vas choisir l’option colis réutilisable. Elle peut être gratuite ou payante, ça dépend des marques. Elle est souvent proposée à 1€. Et une fois que tu as fini ta commande, tu vas recevoir un e-mail de notre part qui va t’inviter à renseigner ta consigne. Ça se fait en un clic : dans le mail que tu as reçu, tu as un lien qui t’envoie vers notre site, et tu renseignes un moyen de paiement. Ça nous permet, si tu ne renvoies pas l’emballage, de te débiter la consigne. Donc tu ne paies pas la consigne en amont. Et aujourd’hui, c’est moins de 3% des cas dans lesquels on débite la consigne. On a des gentils utilisateurs très coopératifs.

Et donc pour renvoyer ma pochette, je dois juste la mettre dans une boite de la Poste ? Il n’y a rien d’autre à faire ? 

Il y a une étiquette pré-affranchie sur le colis. Tu vas juste la retourner pour qu’elle soit face visible. Et ensuite tu glisses l’emballage dans la boite jaune, c’est tout.

Qu’est-ce qui fait que les marques ont intérêt à utiliser votre service ? Et qu’est-ce que je dois dire à mon enseigne préférée, si elle ne l’utilise pas, pour la convaincre ? 

Il faut lui dire que c’est un facteur de satisfaction pour les clients qui est très fort, surtout quand c’est proposé en option, et que donc les gens font volontairement le geste de choisir l’emballage réutilisable. C’est super valorisant de recevoir un emballage réutilisable et de se dire qu’on a participé à réduire l’impact carbone de cette commande, et ensuite de pouvoir faire le geste de le renvoyer. Après deux ans d’activité, toutes les marques avec lesquelles on a commencé à travailler sont toujours clientes, parce que les retours des utilisateurs sont exceptionnels. Et c’est aussi un sujet de fierté pour les marques : elles proposent un service innovant qui participe à la réduction de leur impact.

Où en sont les grands acteurs du e-commerce vis-à-vis de cette question de l’impact des emballages ? Est-ce qu’il y a des solutions vers lesquelles ils s’orientent ? Et est-ce qu’on peut voir un changement s’amorcer ? 

Aujourd’hui, la priorité du e-commerce, ce n’est pas la réduction de l’impact. La priorité du secteur c’est de suivre la croissance et d’aller de plus en plus vite. Cela dit, la réduction de l’impact, c’est quand même une tendance de fond. À peu près tous les gros acteurs du e-commerce se posent la question de comment ils pourraient le réduire. Ils essaient de faire un peu de prospective sur ce qui serait possible. Mais ça reste à l’échelle du test et ce n’est pas leur priorité aujourd’hui. Pour l’heure, celles qui se mouillent, ce sont surtout les marques engagées. Mais je suis optimiste pour l’avenir. Je pense que ce qui fera évoluer le e-commerce dans la bonne direction, c’est la réglementation, notamment au niveau européen, et aussi la volonté des consommateurs. Nous, notre job, c’est déjà de prouver que ça fonctionne. On doit faire en sorte que le colis réutilisable devienne tout simplement une évidence, quelque chose d’incontournable.

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